Borderline : parole de patient 2

Internet, témoignages, Troubles psychotiques

Voici la traduction (toujours aussi laborieuse) d’une autre lettre ouverte écrite par une patiente américaine avec trouble de la personnalité borderline sur son blog. À la différence de la première que j’ai traduite, celle-ci s’adresse uniquement aux professionnels de santé mentale avec un style plutôt direct et efficace.

Cher soignant,

Je vous écris en tant qu’ancienne patiente avec trouble de la personnalité borderline ayant été en contact avec plusieurs services de psychiatrie pendant 6 ans.

Je pense qu’il y a deux catégories de soignants : ceux qui peuvent, qui veulent travailler avec les borderlines et ceux qui détestent avoir à faire à nous. Si vous êtes de ces derniers, nous ne progresserons pas, la relation ne fonctionnera pas, je vous détesterai autant que vous détesterez me voir. Traitez la personnalité borderline avec respect et sans porter de jugement définitif. Vous pouvez ne pas me comprendre, vous pouvez me trouver difficile mais n’oubliez pas que j’ai des sentiments et que j’ai été esquintée par la vie. Si vous ne pouvez pas m’aider, lâchez prise, soyez honnêtes, mais ne me laissez pas sans aide et n’essayez pas de vous débarrassez de moi comme d’une patate chaude.

Si vous pouvez/voulez travailler avec moi, ce qui va suivre pourrait vous aider. J’ai grandi dans un monde de peur et de mensonge où les règles du jeu changeaient constamment, où le noir devenait blanc, le haut devenait bas et la vérité devenait mensonge. Il est devenu impossible pour moi de faire confiance à quiconque si bien que je me méfie de tout et de tout le monde. Mon monde est noir ou blanc. Il n’y a pas de nuances de gris.

Qu’aimerais-je de votre part ? En réalité, beaucoup de choses. Acceptez-moi seulement si vous êtes prêt à relever le défi. Si vous tâtez le terrain avant de battre en retraite, vous confirmerez ma vision négative de moi-même, à savoir que je suis inutile, que je ne vaux rien, que je ne pourrai jamais aller mieux et que je ferais mieux de mourir.

Je vous repousserai, je vous combattrai. Je serai le stéréotype du borderline, je vous pousserai à bout. Je pourrai même vous blesser avec mes paroles. Ce que je cherche, c’est à savoir si vous voulez réellement, authentiquement m’aider ou si je suis juste une partie de votre travail. Je ne vous demande pas de me consacrer toute votre carrière mais de me prouver que vous êtes différent, que le passé n’est pas voué à se répéter, j’ai besoin que vous me montriez que vous comprenez mon insécurité et mes comportements.

J’ai tendance à passer brutalement de l’amour à la haine et je pourrai me convaincre que vous êtes le meilleur soignant jusqu’à ce qu’un jour quelque chose se passe. Seulement quelques mots prononcés peuvent me laisser sous le choc. Je ne vous le dirai pas forcément en face mais je couperai le contact pendant un certain temps, j’annulerai les rendez-vous, j’ignorerai les appels et les courriers. Il ne tiendra qu’à vous ou à mon entourage de me parler, de comprendre pourquoi il m’a paru nécessaire d’agir ainsi et de m’inciter à reprendre contact. Je vous mettrai sur un piédestal, mes attentes vis-à-vis de vous seront élevées et je me sentirai rejetée si elles ne sont pas satisfaites, ce qui renforcera hélas ma peur de l’abandon. Vous devrez alors me faire savoir que vous êtes là pour moi, que vous pouvez faire des erreurs comme tout être humain mais que je peux quand même vous faire confiance.

J’ai les compétences émotionnelles d’une enfant, ce qui me pose beaucoup de problèmes en tant qu’adulte lorsque mes comportements sont désapprouvés en société. Je n’ai pris conscience que récemment de ce manque de maturité émotionnelle. Avant cela, je considérais mes comportements comme normaux au point d’être surpris et contrarié lorsqu’ils étaient réprouvés.

Dans l’enfance, ce que je faisais n’était pas accepté. Mes opinions ne comptaient pas. Je devais me taire et rester tranquille. L’adage selon lequel « les enfants sont faits pour être vus, non pour être entendus » régnait chez ma mère, au moins avec moi. J’ai été persécutée à l’école et suffisamment intimidé pour ne pas en parler. Je ne me suis jamais sentie en sécurité pour exprimer ce que je ressentais ou ce que je souhaitais. Cela a été interprété comme de la timidité mais ce n’était qu’une façade.

Plus tard, en tant qu’adulte, j’ai vécu mes tentatives d’affirmation comme des expériences douloureuses et effrayantes. À trop craindre le rejet, je suis paradoxalement restée sur la défensive sans réussir à me défendre. En raison de mes comportements immatures, je suis souvent blâmée alors que j’ai besoin d’être conseillée, guidée, éduquée. J’ai besoin que vous soyez capables de pointer ce qui ne va pas sans détruire le peu qu’il me reste de confiance et d’estime de soi. S’il vous plait, ne m’assimilez pas à une manipulatrice, je n’ai jamais cherché à l’être. Je comprends que vous souhaitiez me faire voir les choses en face si je me comporte ainsi, mais pas si c’est pour me laisser me sentir pathétique et détruit.

J’ai besoin que vous teniez vos engagements. Si vous me dites que quelqu’un de l’équipe m’appellera, sil vous plait, faites-en sorte qu’il le fasse. Si on vous demande de me rappeler dans la journée, s’il vous plait, faites-le. Je sais que votre emploi du temps est chargé et que vous n’avez pas toujours le temps mais si vous pensez ne pas pouvoir m’appeler, pourriez vous demander à une secrétaire de me prévenir afin de ne pas me laisser trop dans l’attente ? Car lorsque la fin de journée approche et que votre appel ne vient pas, je me sens laissée à l’abandon, comme si je ne comptais pas pour vous, comme si je n’en valais pas la peine.

J’ai besoin que vous soyez honnête avec moi. Je préfère que vous me disiez les choses plutôt que de me les cacher. Si je sens que vous mentez ou que vous détournez la conversation, je m’y accrocherai. Je préfère que vous soyez franc avec moi. Je veux apprendre de mes erreurs et de mes comportements, mais de manière sécurisante. En tant que perfectionniste, je tiens à faire plaisir à tout le monde, et ne pas en avoir été capable peut me tuer. Je cherche désespérément à me faire aimer par tout le monde et lorsque je découvre que quelqu’un ne m’apprécie pas, je le prends très mal.

Parfois la détresse est tellement forte que j’envisage la solution du suicide. Je ne suis passé à l’acte qu’à trois reprises sur les nombreuses fois où j’y ai pensé mais cela ne signifie pas que je n’y passerai pas la prochaine fois. J’essaie de prendre sur moi, de surfer sur mes vagues émotionnelles, ce qui fonctionne la plupart du temps mais j’ai parfois besoin de davantage de soutien. Je n’appellerai pas forcément, notamment si vous n’êtes pas présent car l’expérience montre que les messages ne sont généralement pas transmis, du moins avant le lendemain. Si toutefois je vous appelle, c’est que je suis en détresse et que j’ai besoin d’aide, une aide vis-à-vis de laquelle je reste ambivalente. Parfois je ne veux plus assumer mes responsabilités, je demande à être enfermée tout en sachant que l’hôpital n’est pas la meilleure place pour moi. Je veux me faire aider mais pas si c’est juste pour entendre qu’il faut se changer les idées, prendre plus de médicaments et que je me sente comme une emmerdeuse au bout du fil. Parfois, ce qui m’aide le plus, c’est juste de comprendre que je souffre, et de me le faire savoir.

J’ai besoin de savoir que malgré les manifestations de mon trouble de la personnalité borderline, certaines de mes pensées peuvent être normales. Distinguer les pensées normales et excessives m’aide beaucoup à me sentir moins folle. J’ai besoin de savoir que vous faites certaines choses comme moi et que c’est normal. Ceci me permet de mieux m’accrocher à la réalité, ce qui est vital pour moi. En travaillant avec vous, je partagerai mes souffrances les plus intimes, mes blessures et j’aurai besoin de savoir que vous les entendez, que vous les acceptez. Je n’ai pas besoin de réponses condescendantes qui ne m’aideront pas ou, pire, qui me feront enrager.

J’ai constaté au cours des six dernières années que les borderlines ne sont pas les patients préférés du monde psychiatrique. Ils ont la réputation d’être demandeurs, manipulateurs, en recherche d’attention, certains balaieront d’un revers de mains tous les efforts que vous faites pour les aider. Je comprends que ça puisse être frustrant au point d’avoir envie de se cogner la tête contre les murs parfois.

[…]

J’ai la chance de vivre une relation stable. Il y a certes des hauts et des bas, mais mon mari est la seule personne qui soit resté. Il a su persévérer et parvenir à me prouver que non, tout le monde ne m’abandonne pas, que mes efforts pour le repousser étaient préventifs et visaient à abandonner pour ne pas être abandonnée, ce qui avait comme effet pervers de craindre encore davantage l’abandon.

J’ai besoin que vous compreniez que je ne comprends pas toujours mes réactions mais que mon mari me connaît mieux que n’importe qui. Je souhaite qu’il soit inclus dans ma prise en charge, que vous l’acceptiez et que vous teniez compte de ce qu’il dit sur moi. Il est avec moi beaucoup plus souvent que vous (évidemment) pour constater mes comportements et mes mouvements d’humeur. Il sait quand je ne vais pas bien et vois parfois venir les crises bien avant moi. Il est ma meilleure ressource et devrait être consulté bien plus souvent qu’il ne l’a été.

Cette lettre peut vous sembler longue et exigeante mais voici la façon dont je veux travailler avec vous. On me dit souvent que personne ne peut lire dans mes pensées et savoir ce que je pense mieux que moi. C’est la raison pour laquelle j’ai écrit cette lettre. Elle vous offre un aperçu de mes difficultés et pourrait vous permettre de mieux m’aider.

Il est très difficile et parfois infernal de vivre avec un trouble de la personnalité borderline. Les médicaments peuvent m’aider un peu mais je sais que la thérapie est ma meilleure chance de rétablissement. Je sais que la tâche sera difficile, que je devrai travailler dur mais je sais aussi que je ne pourrai pas le faire tout seul et que j’ai besoin de vous.


BORDERLINE : la série

Le schéma

Les dix commandements aux soignants

La désescalade verbale

Parole de patient

Parole de patient 2

Borderline : parole de patient

Internet, témoignages, Troubles de la personnalité

Je vous offre ma traduction (laborieuse) d’une lettre ouverte écrite par une patiente américaine avec trouble de la personnalité borderline sur son blog. Ce trouble y est selon moi admirablement présenté, d’une manière beaucoup plus claire et complète que sur la plupart des ouvrages rédigés par des professionnels de santé français.

Lettre ouverte de ceux qui vivent avec un trouble de la personnalité borderline

Chers amis, familles, amoureux, ex-amoureux, collègues, enfants et autres proches de ceux qui vivent avec un trouble de la personnalité borderline,

Vous vous sentez certainement frustrés, impuissants, prêts à laisser tomber. Ce n’est pas votre faute. Vous n’êtes pas la cause de notre souffrance. Vous pourriez avoir du mal à le croire tant nous nous déchainons sur vous, tant nous pouvons nous montrer affectueux, gentils puis défiants et cruels d’un instant à l’autre, parfois jusqu’à vous maudire. Mais ce n’est pas votre faute. Vous méritez d’en savoir plus sur ce trouble et sur ce que nous aimerions pouvoir vous dire sans encore y parvenir.

Il est possible que quelque chose que vous ayez dit ou fait ait déclenché une crise chez nous. Un tel « déclencheur » peut faire resurgir chez nous un événement traumatisant du passé ou des pensées très douloureuses. Aussi bienveillants soient ils, vos efforts ne sont pas toujours payants, et il n’est pas toujours facile de savoir pourquoi une crise se déclenche.

Le fonctionnement du cerveau est très complexe. Une chanson, un son, une odeur ou de simples mots peuvent rapidement activer des connexions neuronales qui nous ramènent à une situation où nous n’étions pas en sécurité, et à une réaction à la hauteur de cette insécurité (pensez aux militaires ayant fait la guerre – de simples feux d’artifices peuvent leur provoquer des flashbacks. C’est ce qu’on appelle le syndrome de stress post-traumatique, et ça nous arrive beaucoup à nous, aussi).

Mais, s’il vous plait, sachez qu’à chaque fois que nous vous repoussons avec nos paroles ou nos comportements, nous sommes terrifiés à l’idée que vous puissiez nous rejeter ou nous abandonner à notre désespoir.

Cette façon extrême de penser en « tout ou rien » et la coexistence de désirs totalement opposés sont considérés comme une « dialectique ». Dans les premiers temps, avant de pouvoir débuter une TCD (thérapie comportementale dialectique), nous ne disposons pas des outils qui nous permettraient de vous le dire ou de vous demander de l’aide de manière adaptée.

Nous pouvons faire des choses graves comme nous faire du mal (ou menacer de le faire), aller à l’hôpital et d’autres choses encore. Si ces appels à l’aide doivent être pris au sérieux, nous comprenons que ces comportements et les soucis qu’ils vous procurent finissent par vous épuiser.

S’il vous plait, croyez-le, avec l’aide de professionnels, et malgré tout ce que vous avez pu entendre ou croire, nous pouvons aller mieux et nous irons mieux.

Ces épisodes peuvent s’espacer et devenir moins nombreux, nous pouvons avoir de longues périodes de stabilité et mieux réguler nos émotions. Parfois, la meilleure chose à faire, si vous parvenez à surmonter la frustration et les blessures, c’est de nous prendre dans vos bras, de nous dire que vous nous aimez et que vous ne nous laisserez pas tomber.

L’un des symptômes du trouble de la personnalité borderline est une peur intense d’être abandonné. En conséquence, nous adoptons parfois (souvent de façon inconsciente) des comportements extrêmes dans le but d’empêcher ça. C’est la perception de l’imminence de cet abandon qui nous pousse à agir de manière disproportionnée.

Un autre phénomène qui peut vous déconcerter est cette apparente inaptitude à maintenir nos relations. Nous pouvons passer d’un ami à l’autre, les aimer, les idolâtrer puis les mépriser, les supprimer de nos contacts et de nos amis Facebook, ceci d’un instant à l’autre. Nous pouvons vous éviter, ne pas vous répondre, refuser vos invitations puis d’un instant à l’autre ne souhaiter qu’être auprès de vous.
Cette tendance au « clivage » fait partie du trouble. Parfois, nous effectuons une sorte de frappe préventive en se séparant des gens avant qu’ils puissent nous rejeter ou nous abandonner. Nous n’en sommes pas fiers. Nous pouvons travailler sur ces comportements destructeurs et apprendre à développer des relations saines. Ce n’est juste pas naturel pour nous. Ça prend du temps, et beaucoup d’efforts.

Il est difficile, après tout, d’avoir des relations saines avec les autres quand on ne se connait pas bien soi-même et qu’on ne comprend pas son propre fonctionnement, d’autant plus s’il se démarque de celui des gens qui nous entourent.

Dans le trouble de la personnalité borderline, beaucoup d’entre nous vivent ce qu’on appelle une perturbation de l’identité. Nous pouvons nous emparer des attributs des autres sans réellement savoir qui nous sommes. Souvenez vous au collège de ces enfants qui passaient du rock à la pop en passant par le goth, tout ça pour se faire accepter dans un groupe, et qui changeaient leur style vestimentaire ou leur coiffure à ces fins, allant même jusqu’à singer certains comportements. C’est comme si nous n’avions pas dépassé ça.
Cette tendance à calquer nos attitudes sur celles des autres (et donc à agir d’une façon au travail, d’une autre à la maison, d’une autre encore à l’église) nous a valu notre surnom de « caméléon ». Certes, les gens se comportent différemment au travail et à la maison mais vous pourriez ne pas nous reconnaître en vous basant sur la manière dont nous agissons dans ces deux contextes. La différence est parfois extrême.

Pour certains d’entre nous, durant l’enfance, malheureusement, nous avions des parents ou des tuteurs qui pouvaient passer rapidement d’une attitude aimante et normale à des comportements abusifs. Nous devions alors agir de manière à leur plaire à chaque instant dans le but de rester en sécurité et de survivre. Nous n’avons pas dépassé ça.
Du fait de toute cette souffrance, nous sommes souvent soumis à un sentiment de vide. Nous ne pouvons imaginer à quel point vous devez vous sentir impuissants face à ça. Peut-être avez vous essayé beaucoup de choses pour y remédier, peut-être sans grand succès. Encore une fois, ce n’est pas votre faute.

La meilleure chose que nous puissions faire dans ces moments est de nous rappeler que « ça va passer » et de pratiquer les exercices de TCD – notamment l’auto-relaxation – des choses qui nous aident à nous sentir un peu mieux malgré la torpeur. L’ennui est aussi dangereux pour nous dans ce qu’il peut également nous amener à ce sentiment de vide. Il est judicieux pour nous de rester occupés et de nous distraire quand l’ennui commence à se manifester.

D’un autre coté, nos décharges de colère peuvent être effrayantes. Il est alors important que nous restions en sécurité et que nous ne fassions de mal ni à nous, ni à vous. C’est juste une autre manifestation du TPB.

Nous sommes très sensibles émotionnellement et avons de grandes difficultés à réguler/moduler nos émotions. Le Dr Marsha Linehan, fondatrice de la TCD, nous a comparé à des victimes de brulures émotionnelles au 3ème degré.

Grâce à la thérapie comportementale dialectique, nous pouvons apprendre comment réguler nos émotions de manière à ne pas perdre le contrôle de nous-mêmes. Nous pouvons apprendre à ne plus saboter nos vies, à nous comporter de manière moins blessante et angoissante pour vous.

Autre chose que vous avez pu remarquer sont nos yeux parfois hagards. C’est ce qu’on appelle la dissociation. Nous nous déconnectons alors littéralement, nos pensées partent ailleurs, nos cerveaux cherchent alors à nous protéger de traumatismes supplémentaires. Nous pouvons acquérir certains outils par l’apprentissage et les appliquer lors de ces épisodes qui deviendront de moins en moins fréquents au fur et à mesure que nous irons mieux.

Mais qu’en est-il de vous ?

Si vous avez décidé de puiser dans vos forces et de rester auprès de votre proche avec TPB, vous aurez probablement besoin d’aide. Voici quelques conseils :

  • Souvenez vous que les comportements de cette personne ne sont pas de votre faute
  • Puisez dans votre compassion envers lui en gardant à l’esprit que son comportement est probablement une réaction intense à sa souffrance
  • Prenez soin de vous. De nombreux livres, cahiers d’exercices, Cds, films contiennent des informations qui pourront vous aider à comprendre ce trouble et à prendre soin de vous.
  • En plus de vous informer sur le TPB et de prendre soin de vous, veillez à vous distraire et à vous relaxer. Il peut s’agir d’une simple promenade, de voir un film drôle, de manger un bon repas, de prendre un bain chaud, de tout ce que vous ferez pour prendre soin de vous et vous sentir bien.
  • Posez des questions. Il existe beaucoup d’idées reçues sur le TPB.
  • Souvenez que vos paroles, votre amour, et votre soutien l’aideront énormément à progresser, même si les résultats ne sont pas toujours immédiats.

Toutes les situations décrites ne correspondent pas à toutes les personnes avec trouble de la personnalité borderline. Il suffit d’avoir 5 symptômes sur les 9 pour valider le diagnostic, et les combinaisons de ceux qui en ont entre 5 et 9 sont apparemment infinies. Cette lettre vise juste à vous donner une idée de la souffrance et des pensées que peuvent avoir ceux qui vivent avec un TPB.

Je suis dans ma deuxième année de TCD. Je n’aurais pas pu écrire une telle lettre il y a un an, mais cela représente pourtant ce que j’avais sur le cœur sans pouvoir le réaliser ou l’exprimer.

J’ai espoir de vous donner une meilleure idée de ce que vit votre proche, que vous puissiez progresser dans votre compassion et dans votre compréhension vis-à-vis de lui et de vous-même, même si ce n’est pas un long fleuve tranquille.

Je peux vous dire, de par mon expérience personnelle, que ça vaut le coup de travailler sur cette maladie avec la TCD. L’espoir peut revenir. On peut avoir une vie normale. Vous pourrez découvrir de plus en plus qui est cette personne au fil du temps, si vous n’abandonnez pas. Je vous souhaite la paix.

Merci de m’avoir lue.


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Les dix commandements aux soignants

La désescalade verbale

Parole de patient

Parole de patient 2

Borderline : la désescalade verbale

Troubles de la personnalité

I. Respecter les espaces personnels

De par leur histoire personnelle souvent traumatique, les patients borderline sont facilement en proie à des sentiments de vulnérabilité et d’humiliation. La proximité physique peut donc vite être perçue comme une menace. La distance interpersonnelle généralement recommandée est d’au moins deux bras tendus et si le patient la juge insuffisante, il convient de l’augmenter. Dans la mesure du possible, rien ne doit empêcher quiconque de quitter la pièce.

II. Éviter les attitudes provocatrices

La posture et la gestuelle des soignants doivent s’adapter afin que le patient ne les perçoive pas comme une menace ou un obstacle. Il est ainsi préférable de désolidariser ses mains, de ne pas les cacher, de ne pas fermer les poings, de ne pas croiser les bras et de ne pas plier les genoux. Se tenir strictement de face peut donner l’impression de chercher la confrontation. La posture gagne donc à être suffisamment déviée pour éviter ce phénomène sans aller jusqu’à évoquer le désintérêt. Le contact visuel et l’expression faciale ne doivent pas être insistantes mais suffisamment congruentes au discours pour dévoiler calme et sincérité.

III. Établir le contact verbal

La multiplicité des intervenants favorise la confusion du patient, et donc l’escalade si bien qu’il est préférable de se limiter à un seul interlocuteur. Les autres soignants pourront ainsi se préoccuper de sécuriser l’environnement, d’appeler du renfort si nécessaire et d’éloigner les autres patients, notamment ceux dont la présence pourrait aussi favoriser l’escalade agressive. Les règles élémentaires de politesse restent de rigueur, ce qui implique en premier lieu au soignant de se présenter et de rassurer le patient quant à son rôle (préserver sa sécurité, celle des autres et l’aider à reprendre le contrôle). Lorsqu’un doute persiste sur le fait d’appeler un patient par son nom ou par son prénom, le mieux à faire est encore de lui demander directement son avis, ce qui pourra commencer à le rassurer quant à sa possibilité de faire des choix.

IV. Rester clair et précis

Les émotions fortes peuvent perturber le traitement de l’information, ce qui implique de privilégier des phrases concises pour ne pas susciter la confusion chez le patient et aggraver son malaise émotionnel avec tous les risques que cela comporte en matière d’escalade. Il est également essentiel de lui laisser suffisamment de temps pour intégrer un message avant de lui donner davantage d’informations. Dans un tel contexte, il peut s’avérer utile de savoir répéter sans agacer l’interlocuteur. Il est conseillé d’utiliser la technique du disque rayé, qui consiste à reformuler un message en manifestant une empathie croissante (ex. « J’ai bien compris que…, mais… »).

V. Identifier les besoins et les sentiments

La prise en compte de la requête du patient doit rester une priorité, que celle-ci puisse ou non être obtenue. Il est à ce titre essentiel de l’identifier clairement, en demandant des précisions ou en utilisant l’information qu’il donne sur le plan non verbal, ceci tout en restant optimiste (ex. « si vous nous en dites plus, on pourra y travailler »). Une demande peut aussi cacher une autre, moins assumée mais à laquelle l’équipe sera parfois plus apte à répondre (ex. prendre l’air, fumer, discuter avec un membre de l’équipe, appeler un proche, accomplir une tâche administrative).

VI. Écouter activement le patient

L’écoute active est indispensable et consiste principalement en des brèves marques d’intérêt (regards, mimiques, hochements de tête, « oui », « ah » etc.) ainsi qu’en des reformulations (« si j’ai bien compris,… »). Ceci permet au soignant de manifester son attention sans forcément se montrer d’accord d’emblée ni jugeant. Quels que soient les propos rapportés par le patient, il est conseillé de se mettre à sa place, d’adopter son point de vue, ce qui n’implique pas d’y adhérer. Il s’agit d’une démarche empathique puisqu’elle vise à ce que le patient se sente compris, soutenu activement et non jugé froidement, ce qui favorise l’alliance.

VII. Se montrer d’accord, ou accorder le désaccord

Le mode de pensée en « tout ou rien » du patient borderline le rend très sensible à la moindre désapprobation qu’il pourra considérer comme une remise en cause globale et définitive de sa personne. Il est donc essentiel de délivrer des messages positifs et de se montrer d’accord dans la mesure du possible. Il est ainsi possible de s’accorder sur la vérité (ex. « Oui, le traitement vous donne des effets secondaires »), sur un principe (ex. « Tout le monde devrait être traité avec respect »), sur une probabilité (ex. « Oui, si j’étais à votre place, j’aurais probablement du mal à supporter les conditions d’hospitalisation »), ou enfin en dernier recours sur un désaccord. Il est essentiel de garder à l’esprit qu’un accord ponctuel n’est pas une adhésion permanente et indéfectible (les soignants aussi doivent éviter de penser en « tout ou rien »).

VIII. Rappeler la loi et établir des limites claires

Il est important de rappeler au patient ce qui est acceptable ou non en matière de comportements, tout comme la possibilité qu’il puisse être arrêté ou poursuivi pour certains d’entre eux. Manifester de l’empathie reste nécessaire afin que ce genre de message ne prenne pas un caractère menaçant. Il peut également être judicieux de rappeler à un patient les conséquences de certains comportements, et notamment la peur, l’agacement ou le malaise qu’ils peuvent provoquer chez les autres (soignants y compris). Enfin, cette démarche critique ne doit pas empêcher le soignant de distiller de précieux conseils au patient afin qu’il puisse retrouver son calme rapidement (ex. s’asseoir, ralentir sa respiration).

IX. Offrir des choix, et de l’optimisme

Laisser à un patient la possibilité de choisir constitue l’un des plus puissants outils d’autonomisation, et proposer des alternatives à l’agressivité (auto ou hétéro) ou à la fuite est d’une importance capitale dans un contexte de crise émotionnelle. Il peut s’agir d’alternatives immédiates (ex. coup de téléphone, collation, promenade, cigarette) ou différées sans aller jusqu’à des promesses qui ne seraient pas tenables. Si la médication est nécessaire, il est préférable de ne pas l’imposer d’emblée et d’inciter le patient à l’envisager (ex. « qu’est-ce qui vous aide dans ce genre de situation? ») avant de la suggérer avec une insistance croissante. Dans la mesure du possible, il est préférable de laisser au patient le choix du mode d’administration (comprimé, tablette, liquide, injection) voire de la molécule dans certains cas. Enfin, les perspectives annoncées doivent rester globalement positives et procurer de l’espoir au patient. Il est conseillé de mettre l’accent sur l’amélioration à laquelle il doit s’attendre et sur l’intention des soignants d’y travailler en collaboration avec lui. C’est l’authenticité de cet optimisme qui le rendra contagieux.

X. Faire un bilan rapide avec le patient, et en équipe

Il appartient au soignant d’expliquer cette intervention, notamment ce qui l’a rendue nécessaire et de donner les informations nécessaires dans le but de maintenir l’alliance thérapeutique. Des conseils lui seront prodigués dans le but de prévenir une nouvelle crise et/ou de mieux la gérer (ex. solliciter l’équipe, exprimer ses émotions et sentiments sans se limiter à la prise d’un médicament). Le point de vue du patient devra évidemment être sollicité et ses éventuelles critiques activement prises en compte. Ses difficultés seront analysées plus en profondeur et il conviendra de l’assister dans la résolution de ses problèmes, notamment ceux ayant pu précipiter la crise. L’intervention pourra également être discutée en équipe dans une ambiance permettant à chacun d’exprimer ses sentiments et d’éventuelles critiques, de préférence constructives.


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La désescalade verbale

Parole de patient

Parole de patient 2

Borderline : les dix commandements aux soignants

Prise en charge, Troubles de la personnalité

I. Du patient borderline, tu connaitras le fonctionnement

Il est en effet primordial de connaître le trouble que l’on envisage de soigner et notamment la façon dont il impacte la vie du patient. Le schéma constitue à ce titre un minimum nécessaire à défaut d’être suffisant. Les connaissances ne peuvent être considérées comme acquises qu’à partir du moment où elles peuvent être restituées, notamment au patient. Il s’agit d’une première étape indispensable vers l’autonomisation de ce dernier.

II. Tes propres émotions, tu sauras identifier et gérer

La seule réelle limite à la prise en charge des patients borderline réside dans les émotions qu’ils peuvent susciter chez les soignants : anxiété face au risque de passage à l’acte, frustration face à leur répétition sont les deux plus fréquentes. Savoir les identifier est un préalable indispensable à leur gestion qui consiste avant tout à connaître ses limites afin de passer le relai si nécessaire. Pour apprendre à gérer ses propres émotions, le patient borderline doit aussi pouvoir bénéficier de modèles.

III. La disponibilité, ta priorité devra rester

Les craintes du rejet, de l’abandon et de la solitude augmentent souvent les besoins du patient borderline en matière de présence soignante, ce qu’il est indispensable d’accepter dans un premier temps avant d’envisager tout sevrage progressif. Cette disponibilité gagne à être planifiée et répartie entre les divers intervenants afin de limiter au maximum les ruminations solitaires. Les prises médicamenteuses supplémentaires, bien que parfois nécessaires, ne constituent pas une substitution efficace à cette disponibilité.

IV. Ton empathie en toutes circonstances, tu devras manifester

L’empathie n’a d’intérêt pour un patient que si elle lui est manifestée clairement par les soignants. Cela consiste à lui communiquer en priorité ce que l’on comprend de sa position, de ses émotions, de ses sentiments tout en évitant les attitudes non empathiques, à savoir l’apathie, la sympathie (adhérer plutôt que comprendre) et l’antipathie pure, cynique ou moralisatrice. Les messages empathiques, y compris non verbaux (ex. un sourire) restent parmi les plus puissants moteurs de l’alliance thérapeutique.

V. Toute décision, tu sauras justifier et/ou remettre en question

Informer, c’est aussi soigner. Ça ne se fait pas à moitié, ni à coté, notamment face à des patients qui craignent le rejet et la trahison. Informer, c’est aussi justifier certaines mesures, certains refus, ce qui implique de ne pas ignorer ce qui les motive et de pouvoir l’expliquer clairement au patient concerné. L’obéissance n’est pas thérapeutique en soi. La confiance, ce n’est pas automatique ni à sens unique. Elle se gagne. L’adhésion ne tiendra que si les soins proposés sont compris, par le patient et par les soignants, et rediscutés régulièrement.

VI. Vers des pensées plus rationnelles, tu sauras guider le patient

La souffrance émotionnelle des patients est la plupart du temps associée à des pensées irrationnelles qu’un soignant doit pouvoir identifier (les plus fréquentes sont résumées dans ce billet). Elles émergent au sein de leur discours sous la forme de croyances qui résultent de raisonnements fallacieux. Il est essentiel de savoir les détecter et d’inciter les patients à les reformuler de façon plus rationnelle. À ces fins, il peut être utile de procéder à un examen de l’évidence en demandant au patient de chercher dans un premier temps des arguments en faveur de sa croyance, puis dans un deuxième temps en l’aidant à trouver d’autres arguments qui vont à son encontre. Des efforts de décentration sont également à suggérer en lui demandant par exemple d’imaginer ce que pourrait penser quelqu’un d’autre à sa place, ou ce qu’il aurait pensé lui-même quand il se sentait mieux. Parvenir à formuler puis à envisager des pensées alternatives plus rationnelles procure souvent déjà un soulagement chez le patient. Enfin, il est essentiel de lui rappeler l’importance de vérifier ses croyances en les testant, ce qui passe bien davantage par l’action que par la rumination.

VII. Les techniques de respiration, tu sauras enseigner

La souffrance émotionnelle s’accompagne d’une activation physiologique responsable de symptômes physiques désagréables et oppressants qui renforcent le malaise (palpitations, hypertonie musculaire, hyperventilation). La respiration reste la seule fonction sur laquelle il est possible d’agir volontairement pour inverser ce cercle vicieux dans ce genre de situation. Il est essentiel d’apprendre à adopter rapidement une respiration lente et superficielle, comme si on avait devant la bouche une bougie qui doit rester allumée. Il est également conseillé de pratiquer régulièrement une respiration abdominale très lente, avec des pauses de plus en plus longues entre les phases d’inspiration et d’expiration, ceci afin de s’habituer aux sensations de gêne respiratoire.

VIII. Les techniques de désescalade verbale, tu sauras appliquer

La désescalade verbale a montré son efficacité sur l’agitation et les comportements agressifs. Ses principes sont tout à fait applicables à un patient borderline en situation de crise et résumées sur ce billet. Cette démarche non médicamenteuse est en partie basée sur les principes de l’affirmation de soi. Elle permet d’apaiser la souffrance émotionnelle, de limiter les risques de passages à l’acte auto ou hétéro-agressifs tout en restaurant l’indispensable alliance thérapeutique.

IX. L’optimisme et l’humour, tu cultiveras

Les émotions négatives d’un patient borderline doivent être atténuées et non renforcées. Il est ainsi préférable de dédramatiser ses difficultés, de ne pas l’y réduire, de ne pas lui rabâcher brutalement, et d’axer l’échange sur la résolution des problèmes plutôt que sur une analyse sans fin des causes éventuelles. Ce sont les émotions positives qui sont à cultiver et faire preuve d’optimisme doit rester une priorité. Il ne s’agit pas de promouvoir la béatitude mais la pensée positive, celle qui pourra pousser le patient vers l’action, vers l’avenir, vers les autres et le faire sortir de ses ruminations. L’humour est un puissant catalyseur d’émotions positives auquel il est conseillé de recourir en veillant à rester authentique et empathique.

X. Jamais sans solution, tu ne laisseras un patient

La pensée en « tout ou rien » à laquelle est en proie un patient borderline peut le conduire à penser que si un soignant ne lui donne aucune solution à un moment donné, cela signifie qu’il n’existe pas de solution à son problème et qu’il n’y en aura jamais. Des solutions finissent toujours par émerger à partir du moment où le patient est écouté activement et avec l’empathie nécessaire. La plupart du temps, c’est même lui qui en proposera et il est préférable de les adopter dans la mesure du possible. Face à un patient démuni, il convient d’éviter les messages vagues (« la réponse est en vous »), apathiques (ex. « hum… », « je ne sais pas »), négatifs (ex. « vous êtes trop mal »), cyniques (ex. « Encore? Vous le faites exprès? »), agressifs (ex. « arrêtez de nous emmerder! ») et manipulateurs (ex. « calmez-vous sinon pas de sortie ») qui pourraient aggraver son malaise. Le patient doit savoir que l’équipe travaille à résoudre son problème en collaboration avec lui. Certaines mesures peuvent être mises en place rapidement, permettre de résoudre au moins partiellement certaines difficultés et de commencer à envisager des solutions satisfaisantes (entretien médical ou infirmier, appel à un proche, sortie accompagnée etc.). Dans le cas où ces mesures ne peuvent pas être prises rapidement, il est tout à fait possible de différer, mais avec empathie et un maximum de précision sur le délai. Enfin, il est essentiel de savoir solliciter le point de vue d’autres membres de l’équipe si nécessaire.


BORDERLINE : la série

Le schéma

Les dix commandements aux soignants

La désescalade verbale

Parole de patient

Parole de patient 2